Le jeu des trois livres

J'ai commencé hier à écrire ces lignes : selon l'annonce de la rencontre  inter-blogueurs 2022, je devais trouver avant ce vendredi 16 septembre 2022 à 23h59 trois livres, les présenter comme ceux qui avaient changé ma vie et en tirer un article à publier ici.

    Remarquez, ce n'est pas tellement que je manquais d'idées pour alimenter ce blog : créé entre hier et avant-hier --- je ne vous raconte pas le bazar, avec changement de nom de domaine et tout le tralala --- ce ne sont pas vraiment les idées qui manquent. Mais comme c'est un peu à cause de l'organisateur d'inter-blogueurs 2022 que je me suis depuis mardi retrouvé dans l'aventure du blog, allons-y ! 




    Le défi est donc de présenter trois livres qui m'ont ouvert de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités, qui ont donc, en un sens, "changé ma vie",  mais bien sûr il faut de mon point de vue qu'ils puissent illustrer par la même occasion les principes fondamentaux de la méthode que je propose ici pour aider les parents et les jeunes à aider les jeunes à réussir en maths, méthode fondée sur un bien commun à toute l'humanité, qu'aucun copyright ne saurait accaparer : Eurêka ! Avant de présenter les trois livres, je veux donc en dire quelques mots.

    Nous sommes à Syracuse, en Grèce, vers 250 avant Jésus-Christ. Archimède réfléchit dans son bain au problème que lui a posé le roi Hiéron II - comment prouver sans l'abîmer que la couronne royale est bien en or massif ? - quand, sans doute un peu aidé par l'effet de la poussée même qu'il venait de découvrir, la joie de comprendre le fit soudain sortir et crier sa découverte sans même avoir pris le temps de se vêtir ! Attention, je ne dis pas que c'est ce qu'il faut faire, mais il est vrai que les mathématiciens, les chercheurs, pris dans leurs pensées se montrent parfois un peu distraits :-) Car au-delà de l'amusante anecdote, reste un cri essentiel, la clé même de tout succès en mathématiques : faire et refaire l'expérience Eurêka ! Une expérience qui appartient à toutes les cultures, qui appartient à tout le monde ! Tu peux l'appeler satori avec le bouddhisme zen ou encore insight ou Aha Moments comme les Américains ou comme tu voudras, Eurêka ! sous quelque nom qu'on lui donne est bien le combustible fondamental pour faire décoller la fusée "je progresse en maths" puis la diriger dans l'espace infini des mathématiques... 

    Alors, sans plus vous faire attendre - lire des blogs c'est bien, mais nous on voudrait bien savoir comment réussir en maths sans bosser (ah, désolé, c'est pas ici !!! :-)) --- voici donc les trois livres très Eurêka ! que j'ai retenus dans le cadre de l’évènement inter-blogueurs 2022 -  “Les 3 livres qui ont changé ma vie” - proposé par le blog Des Livres pour changer de vie d'Olivier Roland en son article https://des-livres-pour-changer-de-vie.com/evenement-interblogueurs-2022-les-3-livres-qui-ont-change-ma-vie/ 


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La vie d'Helen Keller, de Lorena A. Hickok (Robert Laffont, 1974)


    J'ai lu ce livre lorsque j'avais une dizaine d'années. J'en ai été ébloui !

    Helen Keller naît le 27 juin 1880, en Alabama. L'enfant est sourdaveugle : à la fois sourde et aveugle, pour la vie. Elle ne peut communiquer avec personne, elle ne comprend rien de ce qui se passe. Elle est dans la nuit. Et puis arrive Anne Sullivan, une éducatrice chargée de s'occuper d'elle. Par sa patience, son ingéniosité, son audace, son intelligence et sa sensibilité, Anne Sullivan va réussir à ouvrir un canal de communication avec Helen. C'est un moment particulièrement émouvant du récit : soudain, Helen fait le rapprochement entre les mouvements d'une main où l'entraîne son éducatrice et les choses qu'elle lui fait simultanément toucher de l'autre main : l'eau, le verre, l'assiette... Elle a compris! Ces choses se trouvent associées aux différents mouvements des doigts de l'éducatrice dans la paume de sa main ;  c'est un langage ! Au fil des années, Helen va réussir dans un dialogue toujours plus riche avec Anne à transformer entièrement ses capacités de communication avec les autres, jusqu'à obtenir plusieurs diplômes universitaires, à  écrire en 1905 son auto-biographie --- sur laquelle Lorena A. Hickok s'est bien sûr appuyée pour écrire, en 1958, son ouvrage, que j'ai lu en 1974 dans la version française éditée par Robert Laffont --- et faire de nombreuses conférences et interventions, tel ce discours que j'ai découvert en rédigeant le présent article, lorsque Helen Keller s'adresse à la convention internationale du Lions Clubs International de 1925, où elle cherche des soutiens pour poursuivre les actions de la fondation qu'elle avait créée en 1915 en faveur des aveugles :
    Vous connaissez mon histoire : comment quelques mots transmis par les doigts d'un autre, un rayon de lumière d'une autre âme, ont percé l'obscurité de mon esprit et m'ont permis de me découvrir, de découvrir le monde et Dieu. Grâce à mon institutrice, qui a appris à me connaître pour me libérer de cette prison sombre et silencieuse dans laquelle j'étais murée, je suis désormais capable d'agir pour moi-même et pour les autres. C'est d'attention, plus que d'argent, dont nous avons besoin...

    Même dans une nuit aussi noire que celle d'Helen Keller un chemin a pu être trouvé vers la lumière ! Quelle leçon ! Après cela, le récit de la Caverne de Platon n'est plus qu'un exercice d'application ! 

    Mais c'est seulement maintenant, en rédigeant ces lignes, que je fais le rappro-chement avec les mathématiques. C'est pourtant assez évident : en mathématiques, on passe son temps à ne pas comprendre, on est dans la nuit. 

Patience, un chemin existe et tu peux le découvrir...

    L'expérience montre qu'en passant du temps avec le problème, en lui donnant toute notre attention, en se confrontant humblement au fait que "pour l'instant je ne comprends pas" et en faisant le choix de mettre en œuvre certaines stratégies simples (faire des dessins, chercher des exemples très simple, formuler les questions que je me pose, aller faire une courte sieste, etc... ) la lumière finit toujours par arriver. Le livre de Lorena A. Hickok consacré à l'extraordinaire Helen Keller a certainement contribué à me donner cette confiance.


L'Art d'être paresseux, du Dr Jacques Donnars (Mat Media, 1990)

    Je ne sais plus si j'ai lu ce fascicule très éclairant du Dr Donnars avant ou après avoir entendu mon prof de maths de Maths Spé nous déclarer un jour 

Les mathématiques, c'est l'art d'être paresseux !

    Au fond, ils faisaient tous deux référence à la même chose : non pas à l'inaction, mais à l'action efficace, celle qui s'appuie sur l'observation, la patience pour emprunter les meilleurs chemins, parfois des raccourcis presque magiques, suivre les fils ténus d'une intuition... Pour le Dr Donnars, ceux que l'on appelle ordinairement les enfants paresseux ne sont pas du tout paresseux, malheureusement, ils ne sont en tout cas pas de vrais paresseux au sens qu'il entend lui donner. Non, les vrais paresseux sont organisés, intelligents, conscients. Selon lui,

Il y a un véritable art dans la pratique de cette matière difficile qui demande beaucoup de rigueur, de précision et de ressources.

    Cette sorte de retournement du discours moralisateur convenu m'avait beaucoup amusé, mais au fond je crois que j'avais retenu une leçon : il y a un principe d'économie, de légèreté, d'élégance, un principe d'intelligence qui supporte une action efficace. J'en fais parfois l'expérience, pas toujours - eh oui, parfois c'est laborieux, avec en plus des erreurs 😀 - et cela me fait penser aussi à l'état de flow du célèbre Mihaly Csikszentmihalyi, celui dont personne en France ne veut dire le nom, alors que ce n'est pas si compliqué que cela : Mi Ha Li Tchik Zent Mi Ha Li, et, bien que je ne l'ai pas encore lu, au deep work de Cal Newport, à la semaine de quatre heures de Tim Ferriss, mais aussi à la méditation voire à l'art de ne rien faire ou même au Rien à foutre ! de John Parkin, à condition, encore une fois, de bien distinguer l'art d'être paresseux de celui de stationner indéfiniment à côté de ses pompes comme un bécasson. Du reste, l'art de ne rien faire n'est pas l'art de ne jamais rien faire, mais l'art d'utiliser des moments à ne rien faire, de préférence à ne pas même penser, au service d'une nouvelle intelligence de l'action.

    Beaucoup plus récemment, j'ai retrouvé cette thématique à propos du principe de moindre action, présenté en 1744 aux Académies royales de Paris et de Berlin par l'aventurier des sciences Pierre Louis Moreau de Maupertuis --- c'est lui qui dix ans plus tôt avait dirigé une expédition au cercle polaire, en Laponie, afin de mesurer la forme de la Terre, je ne vous raconte pas (enfin, si, mais plus tard...) --- L'examen de ce principe m'a d'ailleurs suggéré que l'art d'être paresseux, l'art donc d'une action efficace, intelligente, qui s'économise autant qu'il est possible, devait être complété par un art d'être audacieux - car l'action peut aussi être, parfois, maximale ! Grande découverte de Leibniz quarante ans avant Maupertuis, en 1707, et qui n'a en effet pas grand chose à voir avec un vague principe de facilité. Audace et économie de moyens se fondant finalement dans un principe de stationnarité ou d'équilibre, quelque chose comme une action régulière, dirigée par nos objectifs. Et à propos d'objectifs, j'ai découvert récemment dans un livre de Jack Canfield cette citation de Michel Ange : le danger n'est pas d'avoir un objectif trop ambitieux et de ne pas l'atteindre, mais bien d'avoir un objectif trop faible... et d'y parvenir ! C'est bien pourquoi je m'adresse dans ce blog à des jeunes qui, pour devenir meilleurs en maths, sont prêts à développer l'ambition de devenir excellents en maths, rien de moins ! 

Le troisième livre


    Le choix du troisième livre m'a posé pas mal de difficultés. Beaucoup d'idées me sont venues à l'esprit : Récoltes & Semailles, d'Alexandre Grothendieck (2 volumes, chez Gallimard, 2022), un petit livret sur les puissances de 2 encore rangé quelque part dans ma bibliothèque et qui m'avait passionné enfant, Le Pouvoir du Moment Présent, d'Eckart Tolle, La relativité, d'Einstein - un livre de poche édité par la petite bibliothèque Payot, qu'Albert Einstein a écrit dans une langue accessible au grand public et dont je découvrais émerveillé qu'un jeune d'une douzaine d'années pouvait parfaitement en comprendre une grande partie, la Logique Sans Peine, de Lewis Carroll, les livres d'Osho, ceux de Stephen Jourdain - en particulier l'Irrévérence de l'Eveil, en dialogue avec Gilles Farcet,  -   ma table de logarithmes (un petit livre jaune rempli de chiffres), la Vie Sans Tête de Douglas Harding, Tout à partir de Rien Absolu, de Charles François Chêney, dont j'ai la chance d'avoir un exemplaire annoté par l'auteur, les mémoires de Casanova, j'en passe et des meilleurs... bref, finalement j'ai choisi...

 Introduction à une science du réel indéterminé, par André Vidal (1978, Presses Universitaires de France).


J'ai découvert cet ouvrage dans la librairie d'un village du midi où je passais mes vacances avec mes parents. Le mélange de remarques inspirantes, d'humour, d'étrangeté parfois m'a tout de suite beaucoup plu, et l'idée de réel indéterminé m'intriguait énormément. Je savais à cette époque que même chez les physiciens de la mécanique quantique certains continuaient à croire au déterminisme absolu : tout se déroule de la seule façon possible étant données les circonstances. Même si se plonger dans cette idée peut être très appréciable à certains égards, je n'ai jamais cru au déterminisme absolu. Que la physique quantique soit indéterministe, tout le monde le sait, mais ça n'empêche pas la plus grande partie de la science de tenir un discours déterministe, tout en adoptant les méthodes statistiques. Ce livre parlait d'autre chose. A force de relativisme, il ouvrait sur une sorte d'indicible absolu. Il y était question de physique, de biologie, de psychologie, de mathématiques, me confortant dans l'idée du dialogue des disciplines. Son principe était une sorte d'ouverture, et comme en plus le récit était enjoué, parfois ironique, même si parfois je ne comprenais rien j'en poursuivais la lecture. Je crois que je l'ai lu 3 fois, chaque fois à dix ans d'intervalle. 

    Cet ouvrage constitue au passage une excellente introduction à la pensée systémique : des éléments internes (EI) s'organisent en un système (SO) dont les caractéristiques externes (CE) résultent à la fois des éléments et de la manière dont ils sont organisés. Je me suis d'ailleurs rendu compte en rédigeant le présent article que c'était exactement la structure théorique de la théorie générale de l'interaction que je développe dans mes recherches mathématiques actuelles : les éléments internes sont des systèmes dynamiques indéterministes à temporalités diverses, l'organisation de ces éléments consiste en l'interaction mutuelle entre tous ces systèmes dynamiques, et les caractéristiques externes sont toutes les propriétés de la dynamique globale résultante et qui permettent à cette dynamique d'entrer à son tour dans d'autres interactions, aussi diverses soient-elles. 

    Cet ouvrage m'a appris que l'on n'avait pas besoin de tout comprendre pour développer une liberté de penser sachant allier rigueur et sens de la légèreté et de l'humour. En y réfléchissant, je me dis d'ailleurs que cela va souvent ensemble : les gens vraiment sérieux rient beaucoup ! Il suffit de voir les matheux quand ils viennent de passer 4 heures sur une question de topologie générale, on les reconnaît dans la rue ils marchent en résolvant des équations sur tout ce qui bouge.  Réciproquement, se prendre trop au sérieux n'est en aucun cas un gage de sérieux. Liberté de penser ! Voilà !


En guise de conclusion

A en juger comment juste quelques premières pages du livre gratuit d'Olivier Roland, Vivez la vie de vos rêves grâce à votre blog ont suffi à me faire plonger dans l'action depuis avant-hier pour la mise en place de ce blog (quel nom de domaine, quelle plateforme, quel éco-système, et pourquoi là ça bloque, et ça, et ça, et ça !!!) et puis le défi des trois livres...   je pourrais presque le mettre dans la liste, même s'il est un peu tôt pour le dire  ! C'est surtout quand il a mentionné l'importance de mettre le blog au cœur du système que tu souhaites développer, là il y a eu un déclic ! 

Merci d'avoir tout lu jusque ici, et n'hésitez pas à me faire part de vos commentaires 👌